La pochette de l'album "Baroque Treasury" représente une église de style baroque avec de grands vitraux. La pochette comprend le texte suivant : "Orchestre du Centre national des Arts du Canada, Pinchas Zukerman, Amanda Forsyth, Charles Hamann.
Enregistrements de l’OCNA

Trésors baroques

Publié le 19 septembre 2016

Compositeurs : Georg Friedrich Handel | Johann Sebastian Bach | Giuseppe Tartini | Antonio Vivaldi | Georg Philipp Telemann
Interprètes : Orchestre du Centre national des Arts du Canada | Pinchas Zukerman | Amanda Forsyth | Charles Hamann
Périodes : Baroque
Genres : Musique orchestrale

Cet album a été rendu possible grâce au généreux soutien de Harvey et Louise Glatt.

 

Solomon, HWV 67 : Sinfonia « Arrivée de la reine de Saba » de Georg Friedrich Haendel (1685 — 1759)

L’« Arrivée de la reine de Saba » provient en fait d’une œuvre plus grande, l’oratorio Salomon. Créée en 1749, la pièce retrace la vie du grand roi Salomon qui régna sur la Judée et Israël au Xe siècle avant J.-C., d’après les livres des Chroniques et des Rois. Les actes I et II de l’oratorio évoquent la puissance du roi et la splendeur de sa cour, et font état du célèbre jugement qu’il avait rendu dans le différend opposant deux femmes qui prétendaient toutes deux être la mère du même enfant. Dans l’acte III, la belle reine de Saba (pays qui correspond de nos jours au Yémen, à la pointe sud-ouest de la péninsule arabique) rend visite à Salomon. En guise de prélude à son entrée dans la ville, Haendel écrivit la brillante et festive musique que nous appelons aujourd’hui l’« Arrivée de la reine de Saba », un titre qui n’est pas du compositeur, mais probablement du chef d’orchestre anglais Sir Thomas Beecham. Il ne s’agit pas d’une pièce solennelle et pompeuse, mais plutôt d’une musique d’atmosphère qui décrit l’état d’excitation qui règne à la cour du roi Salomon, où l’on se prépare à l’arrivée imminente de la reine.

Concerto pour hautbois et violon en do mineur, BWV 1060 de Jean-Sébastien Bach (1685 — 1750)

À l’époque de Bach, c’était une pratique courante et acceptée chez les musiciens de transcrire, d’arranger ou d’adapter pour une occasion particulière une musique écrite précédemment par eux ou par quelqu’un d’autre. Par exemple, tous les concertos pour clavecin de Bach sont des transcriptions de concertos pour d’autres instruments mélodiques, parfois composés par d’autres musiciens. Bach a signé ses sept concertos pour clavecin solo et orchestre, ainsi que six autres pour plusieurs clavecins (deux, trois ou quatre) au début des années 1730 à Leipzig, probablement à l’intention du Collegium Musicum, ensemble de musiciens amateurs de structure souple qui se produisait principalement au Café Zimmermann. La musique originale dont Bach s’est inspiré pour composer son concerto en do mineur pour deux clavecins (BWV 1060) n’existe plus.

L’œuvre enregistrée ici est la reconstitution d’une musique originale que Bach a probablement écrite vers 1720, lorsqu’il était au service de la cour de Köthen. Il n’est pas difficile d’imaginer les différences entre la version pour deux clavecins et la version présumée originale pour violon et hautbois. Ces deux instruments à ligne mélodique unique ne peuvent produire les accords et les riches sonorités des instruments à clavier, mais en revanche, ils peuvent offrir des gradations de volume dont le clavecin est incapable, ainsi que de fascinants échanges de couleurs et de nuances hors de portée pour deux instruments de timbre identique. Cette œuvre applique la formule habituelle du concerto baroque établie principalement par Vivaldi : il s’agit d’une pièce en trois mouvements vif-lent-vif, dont le centre de gravité se situe dans le premier mouvement. Généralement, l’orchestre était composé uniquement de cordes auxquelles on ajoutait un clavecin pour enrichir la sonorité (sauf dans le cas d’un concerto pour clavecin). Les mouvements extérieurs étaient constitués de ritornellos pour l’orchestre (présentations répétées du matériau d’ouverture en totalité ou en partie) alternant avec des passages destinés à l’instrument ou aux instruments solos. Le mouvement central lent était invariablement lyrique et souvent conçu sur le mode vocal. Dans le cas du Concerto pour hautbois et violon, le deuxième mouvement propose un dialogue serein d’une douceur ravissante offrant un moment de répit dans une musique qui est sinon hautement énergique et dynamique.

Pastorale pour violon et orchestre à cordes, P. 86 (transc. Ottorino Respighi) de Giuseppe Tartini (1692 — 1770)

La carrière du compositeur, violoniste, pédagogue, théoricien, voyageur et maître d’escrime Giuseppe Tartini est une des plus illustres de l’histoire de la musique. Avec Corelli et Vivaldi, Tartini formait une sorte de triumvirat non officiel dont l’influence a assuré la suprématie du violon pendant plus d’un siècle. De nombreuses années plus tard, inspiré par son intérêt particulier pour la musique des siècles passés, le compositeur italien Ottorino Respighi (1879-1936) a écrit quelques-unes de ses oeuvres les plus connues, telles que le ballet La Boutique fantasque (sur une musique de Rossini), Les Oiseaux (d’après des pièces anciennes pour clavecin) et les Danses et Airs anciens (musique pour luth des XVIIe et XVIIIe siècles). Respighi a aussi transcrit ou arrangé certaines pièces de nombreux maîtres de la musique baroque comme Bach, Vivaldi, Frescobaldi et Tartini. En 1908, il a arrangé deux sonates pour violon de Tartini en vue de leur interprétation sur instruments modernes. La Sonate en la majeur est connue sous le nom de « Pastorale », appellation tout à fait appropriée puisque son troisième mouvement (Largo) contient des bourdons évoquant la musette et adopte le rythme de la sicilienne, traditionnellement associé à la musique des bergers. La ligne mélodique du violon demeure plus ou moins la même que celle que Tartini avait écrite, mais Respighi lui adjoint un accompagnement plus élaboré de l’orchestre à cordes.

Concerto pour violon et violoncelle en si bémol majeur, RV 547 d’Antonio Vivaldi (1678 — 1741)

Un double concerto pour violon et violoncelle fait figure de rareté. Beaucoup d’amateurs de concerts connaissent le grand double concerto écrit par Brahms pour cette même paire de solistes, œuvre qui est de loin l’exemple le plus connu de ce type de répertoire. Cependant, plus d’un siècle avant la parution du concerto de Brahms, Vivaldi avait déjà composé trois œuvres de ce genre. (Il a également écrit un double concerto pour violoncelle et un concerto pour deux violons et deux violoncelles, soit un double concerto « double ». Rien n’arrêtait Vivaldi!) Les deux solistes bénéficient d’un traitement rigoureusement égal et s’offrent du bon temps en multipliant les acrobaties, les grands écarts rapides et les sautillements agiles. Ils font si bien la paire qu’il faut attendre le finale pour les voir se mettre à l’avant individuellement, encore que brièvement.

Concerto pour alto en sol majeur, TWV 51.G9 de Georg Philipp Telemann (1681 — 1767)

Parmi les compositeurs allemands de son époque, Telemann était le plus célèbre et celui qui avait le mieux réussi, éclipsant même Bach en prestige (c’est sur lui que s’arrêta le premier choix du conseil municipal de Leipzig, mais comme il n’était pas disponible, c’est Bach qui hérita du poste de cantor), le dépassant aussi par son salaire (Telemann gagnait trois fois plus que Bach) et par sa productivité (Telemann écrivit plus d’oeuvres que Bach et Haendel réunis). Le Concerto pour alto de Telemann est généralement considéré comme le premier concerto pour cet instrument. On ne sait pas exactement quand il fut composé, mais il est probable qu’il remonte à la période comprise entre 1712 et 1721. La texture pour les cordes est en quatre parties, il y a des mouvements en forme de danse (le deuxième et le quatrième), et l’oeuvre préfère les textures transparentes au style contrapuntique – caractéristique particulièrement appropriée pour ne pas couvrir la douce voix de l’instrument soliste. Une douce chaleur s’exhale du mouvement d’ouverture qui est d’autant plus remarquable que sa construction repose sur guère plus qu’une cellule mélodique de trois notes répétée et soumise à des variations tout au long du mouvement. Le deuxième mouvement donne au soliste de nombreuses occasions de faire montre de son aisance technique. Le sombre et néanmoins élégant Andante en mi mineur est remarquable par l’absence d’une voix de basse (violoncelles et continuo) dans les passages solos, ce qui permet à l’alto de se détacher, même lorsqu’il est accompagné par l’orchestre de cordes. Le concerto s’achève sur un Presto plein de vivacité, dans l’esprit d’une bourrée française, danse stylisée de rythme binaire avec une anacrouse, courante au XVIIe siècle.

Suite orchestrale nº 3 en ré majeur, BWV 1068 (version assemblée par P. Traugott) de Jean-Sébastien Bach (1685 — 1750)

Quatre suites pour orchestre de Bach sont parvenues jusqu’à nous, mais il est probable que le compositeur en ait écrit d’autres qui sont aujourd’hui perdues. Chacune de ces suites est une œuvre magnifique qui débute par une ouverture majestueuse et complexe, et se poursuit avec une succession de mouvements plus brefs et très contrastés, revêtant le plus souvent la forme de danses. Chaque suite est écrite pour une combinaison différente d’instruments (quoique les nos 3 et 4 soient presque identiques). Bach lui-même ne donnait pas à ces œuvres le titre de « Suite ». Il utilisait plutôt le terme « Ouverture », et l’orthographe française était délibérée puisque le mouvement d’ouverture s’inspirait des ouvertures festives à la française du compositeur Jean-Baptiste Lully (1632-1687). Chez Lully, l’ouverture était longue, imposante, digne et généralement composée de trois parties reliées entre elles : 1) une section solennelle Grave, caractérisée par un tempo lent, une allure majestueuse et un usage abondant de ce que l’on appelait le rythme « pointé » (procédé faisant alterner les notes longues et brèves) ; 2) un passage Allegro animé, caractérisé par l’imitation entre les voix et une texture polyphonique complexe ; 3) un retour à la section Grave du commencement. Étant donné que l’ouverture était de loin le mouvement le plus long et le plus consistant de la suite pour orchestre, Bach adopta la figure de style littéraire de la synecdoque qui consiste à utiliser une partie pour représenter le tout. Dans la suite, le célèbre Air se distingue par l’absence d’instruments à vent. Après, les trompettes, les hautbois et les timbales reviennent avec éclat dans toute leur gloire pour l’interprétation de deux gavottes. Vient ensuite une autre danse française au rythme binaire, la Bourrée, qui est légèrement plus rapide et dont l’anacrouse ne comprend qu’une noire ou, dans ce cas, deux croches. L’atmosphère festive et très extravertie de la Troisième Suite (à l’exception de l’Air) se poursuit désormais jusqu’au dernier numéro, une gigue – danse normalement rapide et légère à 6/8 (souvent sur un motif rythmique longbref) – qui prend ici une allure plus noble et qui se déroule sans heurts.

Traduit d’après Robert Markow