Musique pour un dimanche après-midi

avec Blake Pouliot

2024-02-04 15:00 2024-02-04 17:00 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : Musique pour un dimanche après-midi

https://nac-cna.ca/fr/event/33739

Joignez-vous à nous pour un après-midi intime de musique de chambre au Centre Carleton Dominion-Chalmers avec Blake Pouliot et de fantastiques musiciens de l’OCNA. Une façon parfaite de passer votre dimanche après-midi!

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Centre Carleton Dominion-Chalmers ,355 rue Cooper,Ottawa
dim 4 février 2024
Centre Carleton Dominion-Chalmers 355 rue Cooper Ottawa

≈ 2 heures · Avec entracte

Dernière mise à jour: 24 janvier 2024

Programme

RICHARD STRAUSS Sextuor à cordes de Capriccio, op. 85 (12 min)

Yosuke Kawasaki, violon
Noémi Racine Gaudreault, violon
David Marks, alto
David Goldblatt, alto
Rachel Mercer, violoncelle
Leah Wyber, violoncelle

JULIA PERRY Pastorale pour flûte et sextuor à cordes (4 min)

Joanna G’froerer, flûte
Yosuke Kawasaki, violon
Noémi Racine Gaudreault, violon
David Marks, alto
David Goldblatt, alto
Rachel Mercer, violoncelle
Leah Wyber, violoncelle 

LERA AUERBACH « Cantiques des séraphins » pour sextuor à cordes (11 min)

Yosuke Kawasaki, violon
Noémi Racine Gaudreault, violon
David Marks, alto
David Goldblatt, alto
Rachel Mercer, violoncelle
Leah Wyber, violoncelle

ENTRACTE 

PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI Sextuor à cordes en ré mineur, op. 70, « Souvenir de Florence » (35 min)

I. Allegro con spirito
II. Adagio cantabile e con moto
III. Allegro moderato
IV. Allegro vivace

Blake Pouliot, violon
Yosuke Kawasaki, violon
David Marks, alto
Paul Casey, alto
Rachel Mercer, violoncelle
Leah Wyber, violoncelle

Répertoire

RICHARD STRAUSS

Sextuor à cordes de Capriccio, op. 85

Le compositeur allemand Richard Strauss (1864-1949) a vécu une existence d’une longévité remarquable, à cheval sur la seconde moitié du XIXsiècle et la première moitié du XXe siècle. À la fin des années 1880, il s’est forgé une réputation internationale de jeune compositeur audacieusement moderniste en créant une nouvelle forme de composition orchestrale : le poème symphonique. Dans chacun de ceux qu’il a composés – depuis le tout premier, Don Juan (1889), jusqu’à sa dernière grande œuvre symphonique, Eine Alpensinfonie (« Une symphonie alpestre », 1911-1915), Strauss a trouvé des moyens novateurs et toujours plus amples d’utiliser le timbre, la texture et la sonorité de l’orchestre pour transmettre de manière vivante l’étendue de l’expérience humaine. Au début des années 1900, sa démarche artistique s’est portée sur l’opéra, alors qu’il a écrit des partitions grandioses et offrant plusieurs niveaux de lecture pour toute une série de livrets dramatiques. À la suite de la musique moderniste de Salomé (1905), qui a fait scandale, Strauss a achevé un nouvel opéra tous les deux ou trois ans. L’une de ses préoccupations récurrentes était l’intelligibilité du texte, c’est-à-dire l’équilibre entre le chant et l’orchestre. Parallèlement, il s’est demandé si c’était les paroles ou la musique qui importaient le plus dans l’opéra. Ce sujet est devenu la base de Capriccio, la dernière œuvre de Strauss pour la scène, qu’il a achevée en 1940-1941.

Sous-titré « Conversation en musique », Capriccio est un débat en un acte qui met en scène deux prétendants – le compositeur Flamand et le poète Olivier – se disputant l’amour de la comtesse Madeleine, devenue veuve. Lequel saura gagner son cœur – entre les mots d’Olivier et la musique de Flamand? Ensemble, ils collaborent à une œuvre afin que la comtesse puisse comparer les vertus de leurs domaines respectifs, mais elle n’arrive pas à se décider : « C’est un vain effort de les départager », songe-t-elle. « Les mots et la musique ont fusionné pour former un tout, se sont combinés pour créer quelque chose de neuf. Un art est racheté par l’autre! »

L’opéra s’ouvre sur un sextuor à cordes qui apparaît d’abord comme un prélude à l’action. Aux deux tiers environ, le rideau s’ouvre pour révéler qu’on entend en fait six instrumentistes interprétant une nouvelle œuvre composée par Flamand pour la comtesse, dont les personnages de l’opéra discuteront plus tard. Ainsi, cette « amorce de conversation » est également en elle-même une « conversation », bien que purement musicale, richement orchestrée entre les instruments du sextuor. L’œuvre s’ouvre sur la mélodie principale (ou « sujet ») introduite par le premier violon, dont les motifs sont doucement échangés entre les six instruments dans des gestes d’imitation et de questions-réponses, en une exploration à plusieurs niveaux. La première partie, tendre et luxuriante, est suivie d’un moment dramatique, semblable à un récitatif, avec des trémolos orageux qui, à deux reprises, se transforment en passages solos enflammés. L’œuvre passe ensuite à un épisode de « débat » plus ardent, au cours duquel de nouveaux motifs sont introduits et développés, tout en se déplaçant continuellement dans des harmonies en constante évolution. Finalement, l’intensité se relâche et la tendre mélodie d’ouverture revient dans une récapitulation variée de la première section (dans l’opéra, c’est à ce moment-là que le rideau s’ouvre et qu’on entend Olivier et Flamand discuter de leurs sentiments pour la comtesse). Après avoir atteint son apogée, le sextuor s’achève dans une atmosphère apaisée.

JULIA PERRY

Pastorale pour flûte et sextuor à cordes

La musique de la compositrice américaine Julia Amanda Perry (1924-1979) était acclamée de son vivant. Son catalogue renferme des œuvres où elle utilise habilement des techniques européennes modernes, comme le sérialisme. Dans d’autres œuvres, elle incorpore des thèmes et des idiomes musicaux issus de son héritage afro-américain. Mais à cause notamment de la santé fragile de la compositrice et des affres de la discrimination raciale, son apport artistique tomba dans l’oubli vers la fin de sa vie et après sa mort. Toutefois, ces dernières années, des chercheurs et des interprètes ont tâché de faire connaître ses compositions, à travers études, concerts et enregistrements, comme le projet Julia Perry de l’Orchestre symphonique d’Akron.

Perry passe la majeure partie des années 1950 en Europe, d’abord grâce à deux bourses Guggenheim : la première, en 1952, pour étudier à Florence avec le compositeur italien Luigi Dallapiccola, et la seconde, deux ans plus tard, pour travailler à Paris avec la célèbre pédagogue Nadia Boulanger. De 1956 à 1959, elle séjourne en Italie. Durant cette période, elle compose, prononce des conférences et dirige des orchestres dans diverses villes européennes dans le contexte de concerts parrainés par l’Agence d’information des États-Unis. Perry développe alors un style de composition qui, selon la musicologue Helen Walker-Hill, est particulièrement influencé par le dodécaphonisme de Dallapiccola, avec une « emphase sur l’unité des motifs, la richesse de l’orchestration et l’expressivité des mélodies, combinées à des pratiques contemporaines austères. »

La Pastorale pour flûte et sextuor à cordes fut composée en 1959, après le retour de Perry aux États-Unis et durant une résidence à la MacDowell Colony. C’est un exemple convaincant de son style européen moderne et abstrait, qui mêle adroitement « lyrisme et sérialisme modifié », comme l’écrit Walker-Hill. L’œuvre commence par un accord résonnant. Ensuite, la flûte déploie dans l’aigu une mélodie méditative qui comporte une chute « brève-longue », avec un léger accent sur la brève. Elle atteint un sommet interrogatif, auquel les cordes répondent par une phrase descendante. Un épisode fugué suit, avec la flûte et le premier violon, puis le premier alto, le second violon et le premier violoncelle qui énoncent tour à tour le sujet – une variante de la mélodie initiale avec son motif descendant caractéristique. Finalement, les strates contrapuntiques se développent jusqu’à un intense point culminant joué par les sept instruments. La tension se relâche lorsque le thème méditatif est entendu aux cordes, après quoi, sur des sons soutenus dans les cordes graves, la flûte reprend une partie de la mélodie originale, puis la termine en douceur. La Pastorale s’achève dans une ambivalente tranquillité, avec un postlude songeur.

LERA AUERBACH

« Cantiques des séraphins » pour sextuor à cordes

La biographie de Lera Auerbach la décrit comme « une artiste de la renaissance pour les temps modernes ». Elle est à la fois chef d’orchestre, pianiste, compositrice, poète et artiste visuelle. « Toutes ses œuvres sont interreliées et font partie d’une vision artistique cohérente et complète. » Ses interprétations et sa musique sont présentées sur les plus grandes scènes, que ce soit le Musikverein de Vienne, le Royal Albert Hall de Londres, le Carnegie Hall de New York ou le Kennedy Center de Washington.

Comme compositrice, l’artiste russo-américaine (née en 1973) est connue pour la puissance communicative et émotionnelle de sa musique. Son style, teinté de dissonances tranchantes, reste fondé sur le système tonal traditionnel. Il se distingue par des contrastes marqués de dynamique, de couleur instrumentale et de texture, ainsi que par une écriture énergique et percutante. Ses compositions s’inspirent de métaphores et d’histoires toutes vivaces, fréquemment accompagnées d’une ironie saisissante.

Lera Auerbach a composé le sextuor à cordes « Cantiques des séraphins » en 2011. Elle ne souhaite plus écrire des notes de programme sur sa musique : « Laissons la musique rejoindre directement le public, indépendamment des tentatives de la personne qui l’a composée d’en interpréter l’essence », déclare-t-elle. Cependant, en entrevue, Auerbach a parlé du contexte dans lequel cette œuvre est née et des idées qui l’ont inspirée. À la Société de musique de chambre du Lincoln Center, là où l’œuvre a été créée, elle disait ce qui suit :

[Les « Cantiques des séraphins »] sont très personnels – une prière intense, un regard sans complaisance sur le désespoir, peut-être. Je ne donne jamais un titre à une œuvre avant qu’elle soit terminée. Ainsi, la musique ne parle jamais de quelque chose de concret, mais seulement d’elle-même : la musique est, tout simplement. Néanmoins, le sextuor reflète, à bien des égards, le moment où je l’ai écrit. Alors que je contemplais le sens numérologique du chiffre six, j’ai pensé aux six ailes du séraphin, ange incandescent et terrifiant (« Seraphim » [en hébreux] signifie « les brûlants ».) Flamboyant, il trône au sommet de la hiérarchie des anges et peut purifier la bouche d’un prophète.


J’ai commencé à travailler sur le sextuor aux Leighton Artists Studios du Banff Centre, qui m’a généreusement offert une résidence après l’incendie dévastateur de mon appartement dans l’Upper West Side à New York. Cet incendie a dévoré mon piano à queue de concert Steinway bien-aimé, mes manuscrits et une vaste bibliothèque commencée en Russie par mon grand-père et contenant de nombreuses éditions originales inestimables ainsi que des souvenirs de famille. L’expérience de la perte de tout ce que l’on possède peut être enrichissante – du moins, j’ai choisi de la considérer comme telle. Le feu purifie et permet la renaissance. J’ai également pensé qu’il s’agissait d’une manière plutôt artistique (sinon trop dramatique) d‘entamer la prochaine spirale de vie.

Les « Cantiques des séraphins » exigent des musiciens « une intensité brûlante, un engagement émotionnel total et une grande sensibilité aux couleurs et aux nuances sonores », explique Auerbach. À l’intention des interprètes, elle a ajouté la note suivante dans la partition : « Cette œuvre explore différents niveaux d’intensité émotionnelle, du désespoir le plus profond à l’exaltation. Elle brûle avec ardeur, comme le séraphin, l’ange à six ailes, rempli d’un feu terrifiant. Ce feu intérieur constitue l’aspect le plus important de cette œuvre et il doit être présent, au plus haut degré, dans l’interprétation. »

PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI

Sextuor à cordes en ré mineur, op. 70, « Souvenir de Florence »

I. Allegro con spirito
II. Adagio cantabile e con moto
III. Allegro moderato
​IV. Allegro vivace

En juin 1887, Tchaïkovski (1840-1893) commence à faire des esquisses pour un sextuor à cordes, afin de remercier le violoniste Eugen Albrecht d’avoir facilité son élection à titre de membre honoraire de la Société de musique de chambre de Saint-Pétersbourg à l’automne précédent. Il progresse cependant difficilement et abandonne bientôt, comme il l’écrit à son frère Modeste : « J’écris avec un effort hasardeux. Ce qui me complique la tâche, ce n’est pas le manque d’idées, mais la nouveauté de la forme. Il faut six voix indépendantes et génériquement semblables. C’est invraisemblablement difficile. » Il revient finalement au sextuor en juin 1890 et l’achève rapidement, au cours du mois suivant, mais il doute encore de la qualité de l’œuvre. Après une première exécution privée en novembre par Albrecht et cinq autres interprètes, Tchaïkovski décide de réviser les troisième et quatrième mouvements, ce qu’il fait en janvier 1892. La nouvelle version est créée en décembre 1892, lors d’un concert de la Société de musique de chambre de Saint-Pétersbourg.

Tchaïkovski a intitulé son sextuor « Souvenir de Florence », mais n’a donné aucune explication de ce titre. Selon Modeste, ce choix de titre était lié au fait que « le premier thème de l’Andante avait été esquissé à Florence au cours de l’hiver 1890 ». Ce fut la dernière excursion du compositeur dans la ville italienne; auparavant, sa mécène et confidente Nadejda von Meck lui avait offert l’usage de sa petite villa florentine comme lieu d’évasion paisible pour le travail ou la détente. (Peu après la fin du sextuor,, Madame von Meck subit des revers de fortune et dut retirer son soutien financier au compositeur.) Il avait pris énormément de plaisir à ces séjours à Florence et, comme l’a fait remarquer Roland John Wiley, spécialiste de Tchaïkovski, ce sextuor semble résumer l’expérience qu’il y a vécue, évoquée, par exemple, dans « les timbres incarnés de l’œuvre, le rythme enjoué du troisième mouvement, le bourdon folklorique du finale, et surtout le chant, ce fondement de l’Italie, qui est présent dans tous les mouvements. »

Plein de verve, le premier mouvement nous entraîne dans une course palpitante à travers ses différents thèmes, y compris une ouverture fougueuse et une mélodie lyrique contrastante introduite par le premier violon. Tout au long du mouvement, les différentes parties sont très actives, comme si elles se délectaient de leur échange vigoureux de motifs; dans la section de développement, elles imprègnent d’un élan agité les textures contrapuntiques plus étoffées, aboutissant à une reprise en apothéose du premier thème. Plus tard, la mélodie chantante revient, enrichie de nouveaux détails qui la font paraître plus douce que lors de sa première exposition, après quoi l’ensemble se précipite vers une exaltante conclusion. 

L’Adagio cantabile commence par une somptueuse introduction, teintée d’un soupçon de mélancolie. Elle est suivie par un accompagnement en pizzicato, évoquant une guitare, sur lequel le premier violon entonne le thème principal en forme de sérénade. Le premier violoncelle répond et les deux instruments s’engagent dans un tendre duo. Le climat s’intensifie lorsque le premier alto se lance dans une élaboration passionnée du thème, qui culmine avec un retour aux retentissants accords du début. Ce matériau, qui revient sous une forme légèrement variée, encadre un épisode central frissonnant, caractérisé par des vagues et des accents dramatiques rendus encore plus étranges par le fait que les instrumentistes jouent à la pointe de leurs archets.

Le premier alto ouvre le Scherzo avec une mélodie un peu triste qui, après quelques explorations contrapuntiques, réapparaît aux violoncelles transformée, robuste et provocante, contre des figures rapides exécutées par les autres cordes. Le Trio central (l’une des parties que Tchaïkovski a révisées) offre un contraste étincelant, les cordes jouant un air vivace incorporant des effets de saltando (coups d’archet rapides et bondissants), qui se poursuivent dans la reprise du Scherzo, lui insufflant une énergie nouvelle.

Parmi les principales modifications apportées par Tchaïkovski au sextuor, mentionnons la suppression d’un fugato à trois voix dans le trio original et l’insertion d’une fugue dans le finale. Particulièrement satisfait de ce changement, il écrivit à Modeste à propos de la version révisée : « Quel sextuor – et quelle fugue à la fin – c’est un plaisir! » Ce qui est remarquable, c’est la façon dont Tchaïkovski utilise la fugue – et le contrepoint fugué – à des fins dramatiques, évoquant une danse de plus en plus endiablée. Après un début en forme de bourdon, le premier violon présente tout en douceur le thème principal en mineur – un air léger et folklorique. Peu après, les six instruments s’engagent dans un bref fugato (on peut entendre les instruments entrer à tour de rôle dans une phrase aux accents audacieux), suivie du second thème – une mélodie douce et pleine d’élan. La section de développement commence par un contrepoint plus marqué, qui aboutit finalement à une fugue dont le sujet thématique est la mélodie folklorique – on remarquera les entrées successives des violons, des altos et des violoncelles. Ces trois paires de voix se séparent ensuite en six paires qui s’entrecroisent et s’imitent, créant une tension qui est finalement relâchée par les violons jouant la mélodie ascendante. Le sextuor gagne bientôt en vitesse et, dans les derniers instants, la danse atteint des sommets extatiques, le thème principal apparaissant en un majeur triomphant.

Notes de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais)

Artistes

  • Violon Blake Pouliot
  • Flûte Joanna G’froerer
  • Violon Yosuke Kawasaki
  • violon Noémi Racine Gaudreault
  • Alto David Marks
  • Alto David Goldblatt
  • Paul Casey
    Alto Paul Casey
  • Violoncelle Rachel Mercer
  • Violoncelle Leah Wyber